Urgence climatique : une dystopie lushoise

Article : Urgence climatique : une dystopie lushoise
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19 juin 2020

Urgence climatique : une dystopie lushoise

Nous sommes en 2050, longtemps après le délai que s’étaient fixé les gouvernements du monde pour réaliser les objectifs du millénaire de l’ONU. La population de la ville centenaire de Lubumbashi, dans le sud-est congolais, ressent les effets du changement climatique de plein fouet. Les prévisions des scientifiques qui semblaient donner un moment de répit avant la catastrophe sont contredites par la vitesse à laquelle les bouleversements sont arrivés.

Le bassin minier d’où sortent toutes sortes de minerais qui alimentent la voracité des industries technologiques présente une image de paysage lunaire. Les politiques qui réclament plus d’investissements pour le développement sont accusés de corruption. La noria de camions chargés des matières premières laissent à leurs passages des poussières nocives. Les masques chirurgicaux se vendent à très cher et deviennent le premier produit d’importation dans la ville en terme de quantité. Derrière cette juteuse affaire se cache des riches hommes d’affaires qui s’accaparent tout le marché.

Les maladies respiratoires et pulmonaires sont les plus diagnostiquées dans les hôpitaux. Les multinationales et les hautes autorités mettent la pression sur les médecins pour fausser les résultats des examens qui révèlent ces maladies. Les décès sont comptés à la pelle, le business de la mort devient l’un des secteurs à fort taux d’emploi. Les fossoyeurs creusent les caveaux à la pelleteuse, la demande explose.

Guerre civile climatique

Les cours d’eau charrient des métaux lourds sortant des usines, rien ne pousse sur les terres polluées, les cycles des saisons sont imprévisibles. Les syndicats organisent des grèves sauvages et la répression est grande. Des émeutes éclatent dans la ville, le gouverneur et le maire demandent le renfort de l’armée pour bloquer les manifestants. Des scènes de guérilla urbaine passent en boucle sur les chaines infos du monde entier. Lubumbashi devient la première ville proche de la guerre civile climatique. Le nombre des interpellations ne permettent pas à la justice ni à l’administration pénitencière de gérer tous les cas. Au troisième jour des affrontements, une accalmie s’observe dans la ville. Les hautes autorités restent sur le qui-vive.

Le gouverneur quitte son bunker de bureau pour rejoindre son domicile fortifié quand il voit son fils presque asphyxié. Il se rend vite aux urgences, on lui diagnostique une silicose. Ce petit innocent qui n’a jamais été dans une mine perd la vie deux semaines après le constat médical. L’attente d’une transplantation de poumon a été longue. L’argent n’a pas pu sauver son fils. Il dépose sa démission et rejoint le camp des manifestants. Le repenti est finalement intégré dans le groupe après plusieurs hésitations.

Retour à la nature

Ensemble avec les figures de proue du mouvement des contestataires, il monte un plan de vie saine au milieu de nulle part. Par petits groupes, une frange de la population se met en marge de la société en s’installant dans la forêt du Myombo. Le mode de vie est communautaire, il s’éloigne du consumérisme et de l’industrie. La vie se développe dans le hameau du Myombo. Ce retour à la nature, à l’essentiel de l’existence, aux choses simples et fondamentales réjouit la peuplade. Le gouvernement les laisse en paix pendant deux ans jusqu’à ce qu’une carte apparaisse sur le bureau du ministre de l’industrie. Des prospecteurs coloniaux avaient découvert la présence des bois précieux dans le Myombo.

Une décision est annoncée à la chaine de télévision des services publics, les campements sauvages et anarchiques du Myombo doivent déguerpir sous un délai de quarante-huit heures. N’ayant ni radio ni télévision, isolés du monde dit civilisé, les parias du Myombo apprennent par le bruit des bulldozeurs la décision du gouvernement. Avant le suicide collectif du haut d’une falaise, l’ex-gouverneur gravera par des profondes entailles une phrase devenue la devise moqueuse des climato-sceptiques : « Sans la participation d’un seul terrien, la planète ne pourrait être sauvée ».

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