Kasaji, nom d’une ville katangaise

Article : Kasaji, nom d’une ville katangaise
Crédit: Alexandre Mulongo
8 mai 2021

Kasaji, nom d’une ville katangaise

En 2013, un décret a permis à Kasaji de devenir une ville. L’ancienne cité de la province du Katanga a connu un changement d’appartenance. Elle est passée sous l’administration du Lualaba suite au réaménagement territorial qui a démembré le Katanga en quatre provinces. Les effets de ce changement de statut sont lents à se manifester.

 Gare de Kasaji

 Une ville à l’âme rurale 

Partant de Kolwezi, l’entrée à Kasaji se fait au bout des 300 Km de route cahoteuse en terre latéritique. De nuit, on y voit des ampoules électriques allumées sur les murs des maisons. La fourniture permanente en électricité est un privilège à faire pâlir de jalousie les grandes villes congolaises. L’absence de l’électroménager dans les foyers et des industries énergétivores garantie la lumière. 

Toutes les routes sont en terre. Les voitures se comptent au bout des doigts. Une noria de motos assure le transport des habitants. La présence de l’administration se constate par le poste de police, l’armée, les bureaux de la direction provinciale des recettes, la mairie et le parquet. Leur impact reste faible.

Route qui mène vers Kasaji

L’économie est tournée vers l’agriculture de subsistance et l’élevage pastorale. Une forte activité apicole fait de Kasaji la ville où coule le miel. L’ananas et la banane coûtent cinq fois moins cher qu’à Lubumbashi. La viande bovine est plus accessible que dans les autres grandes villes des provinces du Haut-Katanga et Lualaba. Les acteurs du secteur ont du mal à distribuer leurs productions au-delà des limites de la nouvelle ville.

Au petit marché de quelques étals s’ajoutent des petits commerces tenus par des indiens et des congolais. Ils fournissent des produits manufacturés et de la quincaillerie. Deux grandes avenues commerçantes assurent le gros des échanges économiques. Un vieux dépôt qui aurait appartenu à l’entreprise cotonnière Cotolu est le rare témoin d’un petit passé industriel.

 Des vaches à Kasaji

Dans une région où il est question des minerais, c’est à peine qu’on parle des orpailleurs des environs. La proximité avec Kisenge, la cité congolaise du manganèse, n’influence en rien l’économie locale. Les salariés de l’entreprise Kisenge Manganèse réclament plus de 200 mois de retard de salaire. Le mauvais état du chemin de fer pénalise le transport de la production.

Les infrastructures que l’on reconnait à une ville manquent et les pouvoirs coutumiers empiètent sur l’administration publique. Ces situations rendent difficile le développement urbain.

Le train, une opportunité perdue

A Kasaji, Richard Anthony aurait rarement entendu siffler le train. Pourtant le chemin de fer qui existe depuis l’époque coloniale offre une belle alternative à la route. Une fois de plus, le vieillissement et la dégradation des infrastructures ferroviaires ont relégué ce mode de transport au second plan.

Le chef de gare s’ennuie dans son vieux bureau, les murs portent encore le portrait du Mzee Kabila, président assassiné en janvier 2001. L’entrepôt contient que peu de marchandise en fret. Sur le quai, assis sur un petit banc en bois, deux hommes amaigris discutent souvent. Le train attendu pendant plusieurs semaines viendra de Kolwezi pour Dilolo à la frontière angolaise.

Le fonctionnaire garde les documents de fret à remplir (lettres de transport, facturier, …) dans un grand coffre-fort. L’ouvrir est un sujet de satisfaction qui n’arrive pas tous les jours. Des wagons attendent une locomotive, des chinois les ont chargés de minerais. Ils croient encore aux chemins de fer congolais. C’est une question de prix que de rapidité. Le transport par camions est couteux. Faire des économies exige d’avoir de la patience.

Le chef de gare espère que la nouvelle administration du pays et de l’entreprise remettra la Société Nationale des Chemins du Congo sur les rails.

Mémoires de la guerre

Pour Kasaji, quatre-vingts jours n’est pas le temps mis par Phileas Fogg pour faire le tour du monde. Ce nombre rappelle la durée de la seconde guerre du Shaba en 1978 entre les rebelles venus d’Angola et l’armée du Zaïre sous le président Mobutu. Dans un carrefour de la ville se trouve un petit monument aux morts, il porte l’inscription « tombe du soldat inconnu ».

Pour Kasaji, quatre-vingts jours n’est pas le temps mis par Phileas Fogg pour faire le tour du monde. Ce nombre rappelle la durée de la seconde guerre du Shaba en 1978 entre les rebelles venus d’Angola et l’armée du Zaïre sous le président Mobutu. Dans un carrefour de la ville se trouve un petit monument aux morts, il porte l’inscription « tombe du soldat inconnu ».

Le mauvais traitement de l’armée zaïroise sur les habitants de Kasaji les conduit à sympathiser avec les rebelles.  L’ennemi est parmi la population. Une forte résistance se développe au point de bouleverser les troupes loyalistes. Certains témoignages parlent de l’usage de la bombe au Napalm. La fin de la guerre soldée par la défaite des rebelles donne à Kasaji l’image d’une cité rebelle et guerrière. Les vestiges de cette guerre sont encore visibles, on peut apercevoir des tanks abandonnés. L’esprit des tigres katangais, troupes d’infanterie et guérilla révolutionnaire refugiés en Angola, continue à planer sur la jeune ville.

Avec la construction d’une maire, d’un grand poste de police et des résidences officielles ; Kasaji aspire au progrès. Du chemin reste à faire pour insuffler l’esprit de ville dans l’âme rurale.

Les habitants se projettent dans le futur

Selon la loi congolaise, il suffit à une entité de compter au moins cent mille habitants pour devenir une ville. Ce critère l’emporte sur l’idée qui ne considère que le nombre d’électeurs. Dans la réflexion des quelques intellectuels vivant de Kasaji, l’investissement public doit aller au-delà de la construction des bâtiments pour l’administration.

Journalistes, administratifs, défenseurs des droits de l’homme se sont exprimés sur l’avenir de la jeune ville. La construction des routes, la prospection minière, l’installation des usines de transformation agroalimentaire, la vulgarisation de la culture fiscale, l’ouverture d’une banque sont les attentes de la crème des habitants de Kasaji.

Une route dans Kasaji

Pour l’heure, la plupart des maisons sont construites en adobe et couvertes de chaume. Routes, hôpitaux, terrains de jeux et installations sportives, médias sont loin du quotidien de ces habitants qui aspirent à des jours meilleurs.

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