Lubumbashi se rêve en petit Johannesburg

Article : Lubumbashi se rêve en petit Johannesburg
Crédit: Alexandre Mulongo
6 avril 2021

Lubumbashi se rêve en petit Johannesburg

Les Congolais sont nombreux à quitter le pays pour vivre en Afrique du sud. Des raisons d’études, d’emploi ou de guerre les poussent souvent au départ. Ils y arrivent en migrants clandestins, migrants réguliers, réfugiés ou touristes. Les villes de Prétoria, Cape Town, Johannesburg et leurs banlieues sont les destinations privilégiées.

Rapprochement et échanges sud-sud

A la différence d’autres grandes villes de la RDC, Lubumbashi permet une connexion en bus en passant par la Zambie et le Zimbabwe. Elle est devenue le point de ralliement pour tous les candidats à l’immigration vers le pays de Nelson Mandela. Les échanges sont nombreux entre la ville congolaise et la République Sudafricaine. L’influence culturelle et économique est grande, les emprunts sont visibles. Ceux qui y vont souvent pour affaires ou ceux qui retournent s’installer au pays remmènent souvent des éléments de mode de vie de ce géant africain. Par sa position d’avant dernière grande ville francophone à l’orée des terres anglophones, Lubumbashi se sent plus proche des pays de l’Afrique australe que de la lointaine capitale Kinshasa.

Des intérêts économiques et commerciaux

L’arrivée des entreprises minières et des investissements anglo-saxons a favorisé la venue des travailleurs sudafricains dans le bassin d’emploi lualabais et haut-katangais, vaste territoire auquel appartient Lubumbashi. Dans cette dynamique, d’anciens étudiants congolais qui ont acquis le savoir-faire sudafricain reviennent, ayant parfois changé de nationalité. Ces entreprises ont souvent leur base arrière ou principal siège en Afrique du sud.

Les échanges commerciaux sont importants. L’Afrique du sud fournit dans le secteur de l’habillement, le mobilier, la construction, l’automobile et les produits manufacturés, pendant que par camions entiers, les minerais vont dans l’autre sens, vers le grand port de Durban. Si quelques franchises dans la restauration et l’habillement ont décidé d’ouvrir leurs portes à Lubumbashi malgré la réputation d’instabilité qui colle au pays, des riches congolais possèdent des résidences en terre sudafricaine qui accueillent leurs familles. Les commerçants congolais s’inspirent des constructions et décorations vues au pays de Nelson Mandela.

Des influences culturelles

House music et Amapiano (mélange de house et de kwaito), les musiques urbaines qui animent les soirées des jeunes sudafricains, sont prisés par les jeunes lushois. Ce genre musical inonde les playlists des radios et des disc jockeys. Plusieurs mots anglais, afrikaaners et zoulous, ont fait leur entrée dans le lexique lushois : shisa nyama, braai, chill, shap ! shap ! eish, bro, hug et le célèbre « ahibo ! » qui ponctue chaque phase de danse sur les musiques venant d’Afrique du sud.

 Malgré une restriction à délivrer les visas, soutenu par une politique qui vise à empêcher les migrations permanentes, l’Afrique du Sud veut profiter de son influence pour attirer les touristes lushois. Des panneaux publicitaires parsemés sur l’avenue Kamanyola de Lubumbashi invitent à visiter les villes de Durban et Cape Town. Elles ne sont pas plantées par un tour opérateur, l’initiative est du consulat de la République Sudafricaine. Ce rapprochement ne pouvait s’imaginer au temps de l’apartheid. Chacune des villes à eu un destin différent.

Lubumbashi et Johannesburg, deux villes au passé différent

Tout est mis en œuvre pour copier le modèle de la grande sœur sudafricaine. Les belles et larges routes, les quartiers résidentiels et cossus, la propreté des espaces publics, l’entretien des infrastructures, les constructions, l’organisation administrative séduisent les autorités provinciales. Moïse Katumbi, peu avant de devenir gouverneur de la province du Katanga en l’an deux mille six, promettait dans un stade rempli de monde qu’il ferait de Lubumbashi un mini-Johannesburg. Neuf ans de règne plus tard, des pales copies de l’Afrique du Sud n’ont pas permis d’approcher le centième des réalisations de Johannesburg qui s’étend et se rapproche de la capitale Pretoria, quitte à former une conurbation dans les prochaines années.

La légende veut qu’à l’époque de l’apartheid, des malades quittaient l’Afrique du Sud pour recevoir des soins appropriés aux cliniques universitaires de Lubumbashi. A comparer l’évolution des deux villes, cette thèse est de plus en plus contestée par les lushois. C’est le contraire qui se vit, les lushois fortunés vont se soigner en Afrique du sud et certaines femmes préfèrent y accoucher leurs enfants.

Créée en 1910 dans une colonie belge, Lubumbashi s’est développée autour des activités minières. Ville ouvrière devenue cosmopolite en accueillant des ouvriers zambiens, rwandais et rhodésiens du nord (actuels zimbabwéens), son importance s’est accrue après l’indépendance pour son poids économique lié à l’exploitation des mines de cuivre et colbat par la Gécamines, entreprise publique. Aujourd’hui chef-lieu de la nouvelle province du Haut-Katanga, les secteurs économiques se sont diversifiés. Elle reste le carrefour, la principale ville de transit, des sorties et entrées des marchandises dans la vaste province du Katanga.

Johannesburg est née autour de la découverte des gisements d’or. A la différence des colonisateurs belges au Congo, les boers, les afrikaners, les indiens sont arrivés pour peupler ce pays. L’indépendance est venue très tard après plusieurs années de politique ségrégationniste à l’endroit des noirs cantonnés dans des townships et des bantoustans. Aujourd’hui, elle revêt d’une importance économique et politique par la présence de la cour constitutionnelle dans sa circonscription. Les investissements publics et la stabilité politique assurent aux investisseurs privés un climat des affaires serein.

Pour autant, il y a encore du chemin à parcourir avant de transformer la ville de Lubumbashi en petit Johannesburg. L’instabilité du pays, l’insécurité, les problèmes politiques et la faiblesse de l’administration sont des handicaps qui bloquent toute forme d’évolution des entités décentralisées à l’exemple de Lubumbashi, considérée comme la deuxième plus importante ville du pays.

Partagez

Commentaires