RDC : la bataille de l’eau à Lubumbashi

Article : RDC : la bataille de l’eau à Lubumbashi
Crédit: Alexandre Mulongo
25 mars 2022

RDC : la bataille de l’eau à Lubumbashi

L’Afrique subsaharienne a accueilli pour la première fois le Forum mondial de l’eau. Dakar, capitale du Sénégal, était l’hôte de cette rencontre sur le précieux liquide. La pénurie d’eau constitue un problème majeur en Afrique. D’après l’ONU, seul un Africain sur quatre a accès à l’eau potable. Les habitants de Lubumbashi partagent le même problème.

Crédit photo : Alexandre Mulongo

La Régideso à vau-l’eau

Tôt le matin ou en fin de journée, on observe un défilé de femmes et d’enfants qui portent des bidons jaunes de vingt litres. Ils se rendent aux endroits où l’eau coule des robinets. Gratuite ou payante, avoir de l’eau demande beaucoup de patience tant la file d’attente est longue. Parfois ce ne sont pas des robinets qui manquent aux domiciles des chercheurs d’eau. Dans la tuyauterie de la Régideso (Régie de distribution d’eau) l’eau n’y circule plus depuis des années. L’entreprise publique a du mal à desservir plusieurs quartiers de la ville. L’adduction d’eau potable est un luxe pour les ménages des quartiers excentrés.

Quand l’eau coule du robinet, il est prudent de ne pas la boire. Sa qualité est discutable par sa coloration brunâtre ou grisâtre. Dans ce cas, elle ne sert qu’à certaines tâches domestiques. L’eau de boisson est achetée dans des bouteilles consignées. Dans des fabriques clandestines, les bouteilles sont remplies d’eau du robinet en absence de tout traitement approprié.

Crédit photo : Alexandre Mulongo

Les moins nantis préfèrent bouillir l’eau pour la rendre potable tout en évitant la création du calcaire. L’eau du robinet est parfois appelée « jus d’amibes » pour sa qualité douteuse. Les responsables de la Régideso préfèrent parler de la vétusté du matériel et de la croissance démographique qui rendent difficile leur travail.

En 2014, le programme de « Branchements sociaux » de la Banque Mondiale qui visait à connecter les ménages à Kinshasa, Lubumbashi (dix mille) et Matadi à l’eau potable moyennant un paiement de quarante-six mille cinq cents francs congolais a eu un impact sommaire dans le quotidien des populations.

A chacun sa solution

La ville de Lubumbashi a vu fleurir des entreprises de forage. Il n’est pas rare d’entendre vrombir un gros camion dans une parcelle. Des tuyaux percent la roche pour trouver la nappe phréatique sur une trentaine de mètres en profondeur. L’eau recueillie par une pompe immergée remplit une citerne placée en hauteur. A côté de cette opération coûteuse, les ménages modestes louent les services des puisatiers qui creusent à la main. L’eau remontée à force de bras est stockée dans des bidons et bassines.

Crédit photo : Alexandre Mulongo

Dans certains quartiers populaires, les habitants vont jusqu’à sectionner les tuyaux sous terre pour recueillir l’eau qui coule au compte-gouttes. Cette pratique a donné le néologisme « kishimpo », le mot valise qui contracte kishima et pompi (puits-robinet).

La pénurie d’eau fournit des idées aux politiques. Devant les caméras de la télévision, ils offrent des bornes-fontaines aux quartiers qui manquent d’eau. Ces dons à visée électoraliste montrent leur désintérêt sur la question. Une fois au pouvoir, ils oublient les belles promesses sur la desserte en eau potable.

Une eau malmenée

La République démocratique du Congo s’est dotée d’une Loi relative à l’eau. Elle vise à sa protection, sa gestion et sa distribution. Malgré l’existence de ce texte, les pratiques courantes sont loin des recommandations. L’industrie minière est la première pointée du doigt sur les questions de pollution.

Les cours de la ville charrient des métaux lourds et des rejets acides venant des usines. Les plaintes des riverains aboutissent souvent à un silence révélateur, la corruption gangrène les services publics chargés de veiller sur l’environnement. Les déchets ménagers sont la deuxième source de pollution et la faune aquatique compte parmi les victimes des mauvaises habitudes des populations.

Le contraste reste grand entre les potentialités en ressources en eau du pays et le manque d’accès aux populations.

Crédit photo : Alexandre Mulongo
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Commentaires

Simon Decreuze
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Un reportage de qualité Alexandre, merci et bravo !