RDC : Lubumbashi, la ville qui ne demande qu’à être au courant

Article : RDC : Lubumbashi, la ville qui ne demande qu’à être au courant
Crédit: Alexandre Mulongo
28 mars 2022

RDC : Lubumbashi, la ville qui ne demande qu’à être au courant

La nuit tombée, plusieurs quartiers de Lubumbashi s’éclairent au clair de lune. La lumière vacillante de l’intérieur des maisons provient des bougies et d’autres sources à piles électriques. Pourtant le potentiel hydroélectrique du pays est immense. Le Congo détient plusieurs sources d’énergies renouvelables. La Société Nationale d’Electricité (Snel) peine toujours à assurer sa mission.

Que la lumière soit ! Et la lumière ne fut pas !

La première plainte des habitants de Lubumbashi porte sur le manque d’éclairage. La filiale éléctrique Edison s’ennuierait de voir la faible intensité de lumière des lampes. Dans certaines maisons, elles ne s’allument même pas, parfois leurs clignotements dérangent les yeux.

Pendant la journée, c’est une toute autre ambiance. Des générateurs électriques à essence produisent une symphonie désagréable à l’oreille. Les habitations, les commerces et les petites industries se lassent des pannes à répétition. L’explication reste la même : vétusté du matériel et croissance démographique. La quarantaine de barrages hydroélectriques que compte le pays ne satisfont pas la demande.

De la production d’électricité à la distribution en passant par le transport, tout est à revoir. L’entreprise publique a du mal à rendre un service convenable à ses abonnées de basse et moyenne tension. En 2009, une Loi sur le désengagement de l’Etat dans les entreprises du portefeuille fait de la Snel une société commerciale. En 2014, la Loi N°14/011 du 17 Juin 2014 relative au secteur de l’électricité ouvre le capital de la Snel au secteur privé et libéralise le marché de l’électricité. Dans la pratique, rien n’a changé pour les quelques millions d’abonnés.

Snel, une société à la dérive

En cinquante-cinq ans d’existence, la Snel a vu la qualité de ses services se dégrader de manière significative. Face à la grande demande en énergie de l’industrie minière, les ménages passent au second plan dans la hiérarchie des priorités. L’investissement en équipement qui ne suit pas la croissance démographique conduit à une surcharge du réseau. Les délestages sont systématiques et les connexions frauduleuses se multiplient au fur à mesure que la ville s’étend. Le nombre de quartiers plongés dans le noir fait penser à des minis blackouts.

L’Etat reste l’unique actionnaire de la Snel malgré les lois qui ouvrent son capital au secteur privé. De façon tacite, il affirme sa volonté de garder le contrôle de la société conformément à son ancien statut.

Une perspective floue

Le projet de construction du barrage Inga III sur le site de Inga I et II tarde à voir le jour. Les tractations avec des potentiels investisseurs étrangers ne donnent pas suite. Une fois achevé, le projet Inga III placerait la RDC parmi les grands producteurs d’électricité sur l’échiquier international. Il piétine pour diverses raisons qui ne sont pas clairement détaillées par l’Etat congolais.

En dehors des projets hydroélectriques incertains, la RDC a du mal à mettre en place d’autres projets énergétiques. Depuis la pose de la première pierre sur le site de Maluku à l’est de Kinshasa, deux ans sont passés sans voir la centrale solaire promise sortir de terre. La même chose est constatée pour le projet des minis centrales solaires dans les provinces du Kasaï.

Pendant que cinq congolais sur six manquent d’électricité, la Snel cherche à améliorer ses recettes plutôt que ses services.

Tout pour la Snel, rien pour les abonnés

A chaque fin de mois, les agents de la Snel distribuent des factures aux domiciles de leurs abonnés basse tension. La facturation est souvent forfaitaire. La consommation n’est pas connue en absence des compteurs. Cette situation rend incertain le montant réel à payer et peut-être un manque à gagner pour la société. Cela n’exclu pas une surfacturation par surestimation de la consommation en tenant compte des appareils électroménagers selon que l’abonné habite un quartier huppé ou populaire.

En 2015, la Snel a créé la coentreprise Blue Energy avec le sud-africain Connect Africa Technologies (Pty) Ltd. Son statut renseigne qu’elle a pour objectif la gestion du réseau basse tension de la Snel. Le grand changement se situe dans l’installation des compteurs à prépaiement. La Snel peut fixer avec exactitude la consommation de ses abonnés.

La grande perte est la fin de l’application du tarif dégressif. Les abonnés doivent payer leur électricité avant la consommation. La Snel s’assure des recettes sans résoudre la question du délestage et de l’accès à l’électricité. La sous-tension et la surtension produites par l’instabilité de la tension est à la base des pertes d’appareils électroménagers. Les abonnés diversifient les sources d’énergies (Snel, générateurs, photovoltaiques…) pour palier aux insuffisances de la Snel.   

Avoir une bonne électricité en permanence fournie par la Snel reste un vœu pieux pour les Lushois.

Fiat lux !

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