Fraude fiscale, la saignée des finances publiques congolaises

Article : Fraude fiscale, la saignée des finances publiques congolaises
Crédit: Alexandre Mulongo
23 avril 2021

Fraude fiscale, la saignée des finances publiques congolaises

Lors de l’adoption du budget annuel de la République démocratique du Congo à l’Assemblée nationale, la population se questionne souvent sur le montant annoncé qui n’est pas proportionnel à l’étendue du pays. Quelque cinq milliards de dollars pour un pays de plus de soixante-huit millions d’habitants sur un territoire de deux millions trois cent quarante-cinq mille kilomètres carrés. Une aberration qui force à comprendre comment les recettes stagnent depuis des années.

DGI

Une pression fiscale mortifère

Tous les régimes politiques qui ont dirigé le pays ne jurent que par la maximisation des recettes. La lutte contre la corruption est brandie comme une thérapie efficace à la saignée des finances publiques. Dans l’exécution, la solution est différente. L’Etat soumet les contribuables à une pression fiscale qui décourage le paiement et les investissements.

Avec la politique de décentralisation, il arrive que trois administrations fiscales (la municipalité, la province et l’Etat) réclament les mêmes taxes en dehors des taxes d’intérêt commun ou spécifiques à chaque entité. Dans ce système dit déclaratif, les fonctionnaires arpentent les rues et les avenues à la recherche des entreprises cachées. Le manque de communication et d’échange des données conduit chaque administration à refaire le travail déjà exécuté par d’autres.

Les jeunes entreprises se retrouvent dans un rouleau compresseur. Les exigences de fonctionnement d’une part et la pression fiscale d’autre part rendent difficile la gestion. La survie ne tient qu’à la capacité du management à savoir « bien parler » avec les fonctionnaires en mission. Libérer la parole ne se fait pas les poches vides, c’est le début d’une relation qui n’est pas à l’avantage du trésor public

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Des corrupteurs et des corrompus

Le baratin des fonctionnaires commence par l’expression de la volonté de soutenir le chef d’entreprise en difficulté. Des paroles d’encouragement et de soutien sont les premiers éléments qui mettent en confiance l’interlocuteur. Le calcul de la taxe à payer se réalise séance tenante. Le montant parait énorme pour l’assujetti qui se sent incapable de s’acquitter de ses obligations. C’est à ce moment précis qu’intervient la règle des « trois tiers ».

Le fonctionnaire propose de repartir le montant dû à l’Etat en trois parts égales : la première pour l’entreprise, la deuxième pour le trésor public et la troisième pour son compte. Le chef d’entreprise se voit ainsi payer les deux tiers du montant initial, un avantage pour sa trésorerie. L’agent public se presse à établir la note de perception qui permettra le payement du montant réduite à la banque. Selon la périodicité de la taxe, l’agent s’arrangera à être le seul à inspecter ou contrôler ladite entreprise. Il arrive que l’agent public propose ses services de conseiller fiscal à l’entreprise assujettie. Il devient juge et partie, une rémunération supplémentaire s’ajoute chaque mois à la modique somme que l’Etat le paye contre un travail accompli sans rigueur ni respect des recommandations du statut des agents de la fonction publique. Ainsi le pays perd chaque année de grandes sommes au profit des agents et cadres censés travailler à la bonne santé financière du trésor public.

Fraude à la TVA, un pillage lourd et systématique

La TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) est entrée en vigueur le 1er janvier 2012 sous le premier ministre Matata Mponyo. Celle dont les bienfaits ont été vantés est devenue la principale source d’enrichissement des agents de l’administration fiscale.  Ces gens qui habitent des luxueuses villas et roulent dans de grosses cylindrées savent bien jongler avec les déclarations.

Chaque entreprise soumise à la TVA (chiffre d’affaires supérieur à 40.000 dollars américains) est sous le contrôle d’un gestionnaire. A la fin de l’exercice, il sait savoir si les inspecteurs passeront ou pas par l’entreprise avec laquelle la fraude sera effectuée. Le comptable complice averti, il lui demande de déclarer quelques fausses dépenses dont les pièces comptables seront inventées. En principe, la TVA due est la différence entre la TVA collectée et la TVA déductible.

Dans les recettes de l’entreprise se trouve la TVA collectée et dans ses dépenses (achats, paiements des services…) se trouve la TVA déductible. En augmentant faussement les dépenses de l’entreprise, la TVA déductible augmente ce qui reduit la TVA due. La différence entre la TVA due réelle et celle qui est faussement déclarée constitue le montant de la fraude que le gestionnaire se partagera avec le comptable ou le chef d’entreprise.

A la base de tout système de fraude se trouve l’homme congolais, un fonctionnaire mal payé, un parent qui a du mal à entretenir sa famille et qui voit des sommes colossales détournées par les politiques. Le self-service s’érige en norme à chaque étape de la chaîne.

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