Katakatanga, une nouvelle génération des séparatistes katangais

Article : Katakatanga, une nouvelle génération des séparatistes katangais
Crédit: Alexandre Mulongo
27 juillet 2021

Katakatanga, une nouvelle génération des séparatistes katangais

Le Katanga était une vaste et riche province du sud-est de la République démocratique du Congo. De l’aménagement du territoire de 2015, il en est sorti quatre provinces : Haut-Katanga, Tanganyika, Lualaba et Haut-Lomami. Chaque période de turbulence politique ravive l’âme de l’identité Katangaise, un atavisme qui renforce l’aspiration à l’indépendance.

Drapeau national congolais

De l’EIC à la sécession

La conférence de Berlin de 1885 a été à la base du partage du continent africain par les puissances européennes du XIX siècle. Le roi belge Léopold II à l’initiative de la rencontre a gagné le Congo. Il fait de ce territoire de l’Afrique centrale un domaine privé et crée l’Etat Indépendant du Congo. La conquête des royaumes et empires présents lors de l’arrivée des émissaires du roi instaure la colonisation. L’exploitation violente des richesses naturelles de ce pays accroit le pouvoir de Leopold II en Europe.

Dès 1890, le Katanga jouit d’un statut particulier avec la création de la Compagnie (Spéciale) du Katanga. Il devient une sorte d’entité parastatale, sa gestion fait l’objet d’un partenariat public-privé. La création de l’Union Minière du Haut-Katanga encadre l’exploitation minière et une ligne de chemin de fer assure le transport. Une importante main-d’œuvre importée des pays frontaliers au Congo et des provinces voisines du Katanga enrichie la diversité ethnique et culturelle de la région.

La pression de l’opinion belge contraint le roi Léopold II à céder son bien à la Belgique. En 1908 né le Congo-Belge, une colonisation qui durera cinquante-deux ans. Le territoire au cœur de l’Afrique assure à sa métropole une richesse venant de l’exploitation de ses multiples ressources. Un appel à la liberté se fait entendre par des leaders noirs à l’instar de Patrice Emery Lumumba et d’autres évolués (noirs instruits) de l’époque. La résistance interne donne lieu aux émeutes du 04 janvier 1959 après un match de football au stade Tata Raphaël. La Belgique sent le vent tourner et organise une table ronde qui réunit les parties protagonistes. Le jeudi 30 juin 1960, le Congo accède à son indépendance. Le départ brusque des colons suite au discours improvisé et fort de Patrice Emery Lumumba plonge le pays dans le chaos.

L’instabilité de la scène politique conduit à des dissensions. Le 11 juillet 1960, la province du Katanga proclame son indépendance portée par Moïse Tshombe. Ce commerçant devient la figure de proue de la sécession katangaise et le premier président de la jeune République.

La naissance du nationalisme katangais

Albert Kalonji, dissident du parti MNC de Lumumba, proclame la sécession du Sud-Kasaï le 8 août 1960. Son but est de protéger son ethnie Luba après le conflit sanglant avec les Lulua. Il accuse la colonisation belge d’avoir négligé les siens. Le nouvel Etat n’a aucune structure fiable et viable. Les chefs traditionnels intronisent l’autoproclamé président en grand chef, Albert Kalonji devient l’empereur Albert Kalonji Mulopwe Ditunga. Son adhésion à l’Ancien mystique de l’odre de la Rose-croix conduit son pays à un syncrétisme sans structure politique ni économique. De cette aventure indépendantiste, l’histoire ne retiendra que la violente intervention de l’armée congolaise qui met fin à l’empire du Sud-Kasaï.

Au Katanga, Moïse Tshombe a l’appui d’un peuple multiethnique et culturel las de l’instabilité politique du Congo. Les structures du jeune Etat sont en place et l’économie est en plein essor. Le nouveau pays a une armée, une constitution, une Assemblée nationale, un drapeau, un hymne et une monnaie. Le modèle sociale et économique satisfait la population, les vices du pouvoir ne semblent pas avoir le dessus sur la bonne gouvernance.

A la demande du Congo, trois ans après, l’intervention des Nations-Unies met fin à l’expérience de la sécession katangaise. Le retour dans les tumultes politiques du Congo uni laisse un goût amer à la population ex-katangaise. L’offre du Congo à travers les régimes politiques qui se sont succédé ne force pas à l’oubli le Katanga de Moïse Tshombe. Les générations se lèguent l’héritage d’un passé glorieux. Un malaise latent surgit et le sentiment d’avoir une histoire commune engendre l’identité katangaise dans un Congo oppresseur, inégal et désuni.

La frustration katangaise semble tirer son origine du poids national. Elle est la province à subir un fort exode et son lot de problèmes : chômage, banditisme, surpopulation, choc culturel et d’autres questions urbaines, bradage des mines. La prédation de ses ressources par l’érection d’un système central pilleur accentue son désarroi.

Katakatanga, une question loin d’être résolue

Le Katanga à travers ses leaders s’est toujours présenté en bastion de l’opposition à nombreux régimes politiques qu’a connu le Congo. La fin trouble du règne Kabila en conflit avec le clan katangais a été un élément majeur dans le renforcement de l’isolement idéologique de cette province.

En marge des luttes politiques, un groupe de combattants katakatanga (couper le Katanga en langue swahilie) s’est formé dans plusieurs endroits de la province. Des incursions symboliques et régulières à Lubumbashi des guérilleros mal équipés agrandissent la psychose du pouvoir national. Souvent réprimé dans le sang par des réponses disproportionnées de l’armée nationale, petit à petit la population katangaise prend fait et cause de l’action de ces séparatistes. Leur seule revendication est de séparer le Katanga du Congo.

Mairie de Lubumbashi

Ce groupe n’a pas de chef établi ou connu, les autorités congolaises n’ont pas de réel interlocuteur. Le soupçon est porté sur plusieurs hommes politiques katangais. Longtemps considéré comme l’instigateur de ce mouvement, le seigneur de guerre Gédéon Kyungu semble ne pas détenir tous les pouvoirs. Ces redditions et évasions de prison prouvent que même sans sa présence un commandement existe. Le président de l’Assemblée provinciale du Haut-Katanga propose un dialogue avec le groupe dont on ne connait pas le représentant officiel. Tant que la politique nationale entretiendra la frustration dans la région du Katanga, elle sera en proie aux incursions katakatanga.

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