Une série de rapts plonge le Haut-Katanga dans la panique

Article : Une série de rapts plonge le Haut-Katanga dans la panique
Crédit: Alexandre Mulongo
27 juillet 2021

Une série de rapts plonge le Haut-Katanga dans la panique

La province du Haut-Katanga vit au rythme des rapts d’enfants dans les villes de Lubumbashi et Likasi. Ces crimes sont l’œuvre d’un réseau mafieux qui opère à travers des individus à l’apparence insoupçonnée. Entre crimes rituels, trafics d’organes, anthropophagie et adoptions illégales, les autorités provinciales et les familles ont du mal à cerner les contours de cette nouvelle forme d’insécurité.

Enfants des rues

Résurgence d’un phénomène passé

A travers les souvenirs de l’époque coloniale, les anciens racontaient les récits des Batumbula. Le mythe du ravisseur blanc négrier ou anthropophage a alimenté des croyances diverses. Les parents qui marchaient avec leurs enfants à la traine les exposaient au rapt. Ces enfants étaient la cible d’un trafic non-élucidé à ce jour, aucune trace ni preuve ne corrobore les faits transmis par voie orale. Les parents se servaient de ces récits d’épouvante pour effrayer les enfants turbulents.

Le début de la décennie quatre-vingt-dix a vu réapparaitre les histoires de rapts d’enfants appâtés au sortir de l’école, sur le chemin de la maison, avec des friandises. Les soupçons étaient portés sur un éventuel trafic d’organes. Aucune piste sérieuse n’a conduit au démantèlement d’un quelconque réseau mafieux. Peu de disparitions ont été signalées à une époque où la seule voie de diffusion de l’information était la chaîne de télévision et radio des services publics. Le phénomène s’est estompé de soi.

Fugue ou enlèvement, aucune statistique ne permet d’avoir les proportions du phénomène qui panique le Haut-Katanga. La police de la protection de la femme et de l’enfant devenue police des mœurs depuis la vague de dénonciations des viols n’a pas les moyens nécessaires pour mener des investigations efficaces. Le trafic d’organes requiert une technique poussée. La rumeur veut que les demandeurs d’organes en Europe ou en Asie financent les réseaux mafieux qui s’en prennent qu’aux enfants. La question sur la compatibilité, la chirurgie, la conservation et le transport de ces organes montre qu’il est assez délicat de se lancer dans une telle entreprise.

Enfants des rues à Lubumbashi

Une nébuleuse indescriptible

Le récent témoignage d’une petite fille de Lubumbashi qui aurait échappé à ses ravisseurs a renforcé la thèse du trafic d’organes. Enlevée sur le chemin de l’école et conduite dans l’antre des bandits, elle aurait rencontré « la dame de cœur ». L’une des dix petites prisonnières aurait subi sous leurs yeux l’extraction de son cœur. Un moment d’inattention des geôliers aurait permis aux petites de fuir chacune de son côté. Ce récit qui ressemble à un mélange d’Alice au pays des merveilles, de Gretel et Hansel et du petit chaperon rouge divise l’opinion. Une frange de la population pense que l’histoire a été romancée.

 A Likasi, la police a arrêté un ravisseur avant de délivrer la petite fille qu’il retenait prisonnier. Pourquoi l’homme présenté comme un sujet tanzanien devant la presse n’a jamais servi à remonter la filière du réseau criminel ? Une question qui taraude plusieurs esprits. La piste des crimes rituels ou des adoptions illégales est privilégiée par ceux qui pensent que le trafic d’organes demande des dispositions particulières.

Un investigateur indépendant qui a requis l’anonymat pense qu’il sera difficile de mettre à nu ce réseau criminel. Il aurait découvert que la plupart des enlèvements seraient motivés par des adoptions illégales. Ce dossier sensible impliquerait des fonctionnaires de la justice, les responsables des centres d’encadrement de la jeunesse, des bandits, des avocats, des policiers, des fonctionnaires de la division de la famille, genre et enfant.

Des enfants en danger permanent

Ces événements qui secouent les villes de Lubumbashi et Likasi ont réveillé les parents. Les services publics de protection de l’enfant ne se sont pas encore prononcés. Aucune mesure du gouvernement provincial du Haut-Katanga n’a été prise. Les familles donnent des instructions aux enfants pour prévenir une éventuelle rencontre avec un inconnu. Les parents et les églises prennent des dispositions pour que les enfants soient accompagnés une fois à l’extérieur du cercle familial.

La population des enfants des rues est en augmentation. Ces enfants laissés-pour-compte qui approchent tout le monde pour mendier sont les premiers à courir le danger de l’enlèvement. Ceux qui dorment dans la rue et se droguent à l’effluve de polystyrène devraient être la première cible facile du trafic. Pourquoi les enfants des rues ne sont-ils pas enlevés ? N’intéressent-ils pas les ravisseurs ? Difficile d’apporter une réponse à ses questions tant ces enfants appelés vagabonds ou shégués sont des parias d’une société profondément inégalitaire.

Plusieurs cas d’enlèvements ont été constatés dans la province du Haut-Katanga, cette nouvelle forme d’insécurité met en péril la quiétude des familles.   

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